Justice prud'homale, dialogue social, télétravail… Un an après l'entrée en vigueur des ordonnances visant à simplifier le Code du travail, qu'est-ce qui a véritablement changé dans les entreprises ?
Dérogeant à la tradition, c'est par ordonnances qu'Emmanuel Macron a entendu réformer le Code du travail, quatre mois seulement après son élection à la présidence. Publiés au Journal officiel du 23 septembre 2017, ces cinq textes comportaient 36 mesures. Alors qu'elles ont été vivement controversées à l'époque, qu'ont-elles modifié depuis ?
Moins de contentieux
Depuis quelques années déjà, on observe une baisse constante des litiges prud'homaux. D'après le ministère du Travail, le nombre de saisines en la matière a chuté de 15 % entre 2016 et 2017. Or, il est clair qu'en ayant mis en place un barème obligatoire encadrant les indemnités réparatrices d'un licenciement abusif, ces ordonnances vont accentuer ce phénomène.
« Il n'y a pas moins de problèmes dans les entreprises, mais les salariés et les employeurs transigent davantage pour éviter le recours à la justice », nous explique Romain Chiss, avocat et auteur à La Semaine juridique chez Nexis Lexis. Et le juriste d'ajouter : « En revanche, comme les indemnités sont limitées, les salariés ont tendance à formuler des demandes annexes, qui, elles, ne sont pas soumises à un barème, au titre de harcèlement moral, de discrimination, d'un rattrapage d'heures supplémentaires ou d'une violation de l'obligation de sécurité au travail. » Un moyen, en somme, d'augmenter les enchères pour obtenir une meilleure proposition de l'employeur.
Pas de révolution du dialogue social
Le second axe majeur des ordonnances Travail visait à simplifier et unifier le dialogue social. Exit en effet les délégués du personnel, le comité d'hygiène et de sécurité et le comité d'entreprise qui doivent être fusionnés au sein du nouveau comité social et économique (CSE). L'objectif : moins d'interlocuteurs, donc plus de fluidité et d'efficacité. D'après les chiffres du ministère, près de 9 000 CSE étaient déjà en place en septembre 2018. Mais les entreprises ont jusqu'au 31 décembre 2019 pour entrer dans le rang.
Pour aller plus loin, les sociétés peuvent également transformer ce comité social et économique en un conseil d'entreprise en passant par un accord collectif. « C'est une véritable révolution culturelle », selon Romain Chiss. « En plus des prérogatives du CSE, ce conseil remplace les délégués syndicaux pour négocier les accords collectifs. De même, l'employeur est obligé d'obtenir de cette instance un avis conforme en matière de formation professionnelle. L'accord qui le crée peut même élargir cette palette d'intervention. » Et pour le juriste, c'est une réelle opportunité de mettre en place une cogestion en matière de responsabilité sociale des entreprises. Alors que l'éthique devient un atout de compétitivité, ce conseil d'entreprise pourrait ainsi apporter une réelle plus-value aux sociétés qui se veulent à l'avant-garde.
Pour l'heure cependant, cette instance fait aussi bien peur aux syndicats qu'aux employeurs et seules deux entreprises en avaient créé un en septembre.
Un impact relatif sur l'emploi
Selon un sondage du CSA réalisé pour France stratégie, 48 % des employeurs estiment que cette réforme simplifie les procédures de licenciement et 30 % pensent qu'ils pourront recruter plus facilement en CDI. Les représentants du personnel des entreprises de 300 salariés et plus sont, eux, 30 % à s'inquiéter de l'augmentation possible des licenciements.
Mais sur le terrain, les changements sont encore discrets. Le ministère du Travail a recensé 66 démarches de ruptures conventionnelles collectives (RCC), la nouvelle procédure proposant des départs volontaires en masse. Et onze ont été bloquées par les syndicats. Quant au « contrat de chantier », conclu pour une durée indéterminée mais prenant fin lorsque le chantier est terminé, il n'a été mis en place que par la branche de la métallurgie.